Chez Alain
Laparade 

Les guerres de religion

Dès 1525 les doctrines nouvelles avaient pénétré dans la vallée du Lot. Cette année même, on signale des personnes " infestées d'hérésie ", tout près de Laparade, à Villeneuve. Des comédiens ambulants, malheureusement inconnus, parcourent le pays, semant les vérités de l'Évangile " sous le couvert de farces " et leur succès était grand auprès de ce peuple si impressionnable. " Des régents entachés d'hérésie, André Mélanchton (de Tonneins) et Philibert Sarrazin, un médecin célèbre qui devait finir dans la peau d'une sorte prophète sceptique, Michel Nostradamus, un savant universel, l'honneur de l'Europe savante, César Scaliqer, de très nobles hommes tels que les Secondat et les Durfort ", un pauvre Catalan, Pédro Galès l'évangéliste de Marmande, qui de retour dans son pays, paya de sa vie, dans les cachots de l'inquisition, à Saragosse, son zèle pour la Réforme.

L'Église s'émut bientôt des rapides progrès de la Réforme religieuse en Agenais. En 1537, l'inquisiteur Rochetto fut chargé de réprimer l'hérésie. Il organise une vaste enquête, fait rechercher les principaux coupables, les fait comparaître devant lui, les interroge même dans le patois du pays, puis se laisse gagner, lui aussi, et l'année suivante, l'inquisiteur d'Agen expiait sur le bûcher, à Toulouse, son attachement aux idées nouvelles. L'évêque d'Agen, un lettré, un Italien de la Renaissance, un peu hérétique peut-être, semble insensible aux progrès de la Réforme jusqu'au jour ou sur la promenade du Gravier, à la place où s'élève 1a statue de Jasmin, le poète populaire qui a chanté en des accents si touchante les souffrances des martyrs, les flammes du bûcher jaillirent pour la première fois dans la riante capitale de l'Agenais.

Ces " brûlements " furent suivis de bien d'autres jusqu'au jour où les huguenots exaspérés se trouvèrent maîtres de la cité. De l'aveu des catholiques, la victoire était, en Agenais, à la Réforme.

Les doctrines de la Réforme furent propagées dans la vallée du Lot par Gérard Roussel, l'ancien abbé d'Uzerche devenu abbé de Clairac depuis 1526; puis par son vicaire général Aymerici (1555) et les moines de l'abbaye. D'après une tradition persistante, Calvin aurait prêché à Laparade et pendant tout le XVIIe siècle on avait coutume d'appeler la chaire du temple, qui était une ancienne, chaire catholique, la chaire de Calvin. Le 25 sept. 1711, François évêque et comte d'Agen (l'évêque Hébert) en visite épiscopale à Laparade note encore dans l'église " une méchante chaire que l'on dit avoir servi à Calvin ".

En 1559, toute la région était gagnée. Grateloup, Verteuil, Castelmoron, Monclar avaient leurs pasteurs et des Eglises dressées.

Dès 1560, les affaires se brouillaient en Agenais, entre catholiques et huguenots. L'échauffourée de Laplume, l'arrestation de l'un des pasteurs d'Agen et l'émeute qui s'ensuivit sont autant de signes précurseurs de l'orage prochain. Le sac du temple de Cahors et le massacre des fidèles en pleine paix; puis le massacre des huguenots dans le temple de Grenade, aux portes d'Agen, où de " povres gens sans verge ni baston ", réunis sur la foi des traités, sont traîtreusement mis à mort, furent suivis de près du sac des cordeliers de Marmande. Puis vinrent une longue suite d'épisodes dont l'horreur n'a pas été dépassée. Comme au temps de la Croisade albigeoise, de la guerre anglaise, les bandes espagnoles au service du roi de France battent le pays en tous sens, exterminant catholiques et protestants sans distinction et semant partout la ruine et la désolation. On se rappelle les soudards de Don Diego de Carvajal, véritable meute de loups-cerviers, crucifiant les huguenots sur la place publique de Bazas.

Laparade, grâce a sa position très forte, a son isolement et à la population toute huguenote des environs, paraît avoir échappé aux atrocités de cette première prise d'armes. Il n'en fût pas de même en 1573. La guerre se rallume plus furieuse. Elle dure trois ans. Les troupes des deux partis, dont Clairac était l'objectif principal, tuent, pillent, transforment villes et hameaux en un immense brasier. Prise d'assaut à son tour, Laparade n'a d'autre refuge que son château, bientôt livré aussi aux flammes.

La Vauguyon de Bourdelie, Seigneur de Grateloup, avait levé une armée de dix mille hommes destinée à opérer en Périgord contre Vivant et Lan goiran. Après avoir pris Montravel, il fut obligé de battre en retraite en Guyenne où il licencia son armée. C'est à lui qu'il faut vraisemblablement attribuer l'incendie du château de Laparade. V. Les faits d'Armes de Geoffroy de Vivant, p. 22. Son vrai nom était Jean de Perusse d'Escars, comte de La Vauguyon, Prince de Carenci. Dans un acte du 20 août 1707, son descendant direct, Nicolas Dequelen Destuart de Caussade est encore qualifié de baron de Tonneins et de Grateloup.

La Guyenne en 1580
Guyenne en 1580
 

Le Bulletin (1901, 243) a publié la déposition de Guilhem del Maures, lors du procès de 1581, voici celle de Jehan Fort, notaire royal et avocat en la cour ordinaire de Laparade :

" Et partant que peu après il survint troubles et que certaines compagnies se présentèrent au dict lieu de la parade. La dicte Maures, femme dudict Roze et plusieurs autres citoyens dudict la parade estant de la religion prétendue réformée, pour la conservation de leurs personnes et biens se retirèrent dans une tour (ici un mot illisible) chasteau qui estoyt audict la parade et à cause que ceux dudict chasteau résistèrent, le feu fust mis en ladicte tour où mourust sept à huict vingts hommes ou femmes dudict feu ou fumée ... "

Puis la nuit se fait de nouveau dans l'histoire de Laparade. Un incident banal, mais qui peint bien les mœurs du temps, mérite cependant d'être rapporté. Le 17 janvier 1586, des soldats de la garnison de Damazan enlèvent les bœufs de Bernard Dupuy, le juge de Laparade, sous les murs mêmes de la ville, et Galliné, le sergent royal, devant leur attitude peu conciliante n'osa pas signifier le jugement pris contre eux.