Chez Alain
Laparade 

La Révolution (3)

La Fête de l'Etre Suprême et de l'immortalité de l'âme fut célébrée le 8 juin 1794 avec éclat.
Un cortège formé de la Garde Nationale, de deux compagnies d'adolescents et de vétérans, de jeunes citoyennes couronnées de fleurs, tout de blanc vêtues et portant des guirlandes de feuilles de chênes, trois tambours et des fifres précédaient le char de l'agriculture conduit par un jeune laboureur.

Derrière, venaient les membres du Comité de Surveillance et de la Société Populaire. Les rues de la ville avaient été fleuries et ornées de guirlandes.

Au temple de l'Etre Suprême, " plusieurs discours turent prononcés, en rapport avec la majesté de cette auguste cérémonie. La joie, mêlée aux concerts harmonieux des assistants, faisait couler les larmes du plaisir, fruit de leur amour pour la Liberté et l'Egalité. "
Au Champ de Mars furent brûlés solennellement " les hochets du fanatisme ", c'est-à-dire les tableaux des saints et toutes les images existant encore dans les ci-devant églises.
Les citoyens renouvelèrent le serment de fidélité à la Patrie tandis qu'éclatait une décharge de mousqueterie. " Après ces actions de grâce à l'Etre Suprême ", on dansa.
Une tour de l'ancienne enceinte servait de prison. Des réparations y avaient été faites en 1771. Le Conseil répugnait à la démolir et s'était opposé à sa vente comme bien national. Comme les malfaiteurs pouvaient aisément s'en évader, il avait été décidé que la sacristie serait utilisée comme maison d'arrêt. L'Agent National s'y opposa . " Il était malséant de placer la prison contre le temple de l'Etre Suprême, les cris des prisonniers pouvant troubler les réunions. Il était préférable de démolir la sacristie et de se servir des matériaux de démolition pour réparer l'ancienne tour. "
Le Conseil ne fut pas de cet avis. Il décida que la sacristie serait conservée.
L'hiver de 1794 avait été particulièrement rude. Le 12 pluviose, des bouviers requis pour aller chercher des fourrages à Damazan et les transporter à Boussès ne purent obéir à l'ordre de réquisition. La neige recouvrait les chemins ; le Lot était pris en son entier par les glaces et ils devaient en outre traverser deux fois la Garonne. Le Conseil dressa procès-verbal des bonnes intentions des bouviers et de l'impossibilité où ils étaient d'effectuer ce transport pour le service de la République (La municipalité de Tonneins fit de même pour les trente bouviers qu'elle devait fournir). Mais deux jours après, Laparade était frappé d'un nouvel ordre de réquisition : 156 barriques de vin pour les armées et la marine.

La commune comptait alors 1.413 habitants, possédait une école de garçons et une école de filles " tenues par le citoyen Pitancier et sa soeur ainée " et l'Agent National dans ses rapports au District reconnaissait " que les citoyens de Laparade étaient tous de vrais républicains, amis de l'ordre et de la paix, les plus éclairés faisant tous leurs efforts pour partager les lumières de la raison et de la vertu."
Il ajoutait que " depuis longtemps, on ne cultivait plus le chanvre, que la culture des terres souffrait du manque de bras mais que les précautions prises par la municipalité avaient permis de résoudre aussi bien que possible le problème des subsistances. "
Toutefois, le 12 germinal, la commune ne put fournir les 20 quintaux de grains et les 2 quintaux de son qui lui étaient demandés, tout comme elle répugnait à envoyer du blé au ci-devant département de la Gironde, devenu celui du Bec d'Ambès.

Après le 9 thermidor, la Société Populaire fut dissoute, le culte de l'Etre Suprême abandonné.
Mais l'exécution de Robespierre et de ses amis n'avait pas fait disparaître comme par miracle les difficultés. La guerre continuait. Les réquisitions aussi, accroissant la pénurie.
Le 13 thermidor, le canton de Clairac avait été sommé de fournir trois cents paires de boeufs ou de vaches. En dépit de leurs sentiments patriotiques, les agriculteurs de Laparade avaient déclaré qu'ils ne pouvaient répondre à la réquisition " toutes leurs vaches étant pleines ou nourrices. " Des commissaires furent nommés pour visiter les étables.
Le 18, il fut ordonné aux habitants " d'avoir à balayer les devants des portes tous les samedis , de ramasser toutes les pierres éparses, d'enlever fumiers, tonneaux, pièces de bois, en vue de la conservation de la santé de tous les citoyens. "
Lorsque la Convention thermidorienne se sépara le 26 octobre 1795, la situation intérieure ne s'était pas améliorée. Les caisses publiques étaient vides ; les assignats dépréciés, les subsistances rares et chères. L'impôt ne rentrait plus qu'irrégulièrement ; les fonctionnaires étaient mal payés, le coût de la vie montait sans cesse ; les menées royalistes menaçaient la République.
Le Directoire fut pour Laparade une période marquée par la disette, les réquisitions, la chasse aux déserteurs et aux insoumis.
Et puis ce fut le coup d'Etat du 18 brumaire. Comme l'avait prévu Robespierre en 1792, la guerre ne pouvait amener que le triomphe des rois ou la dictature d'un général victorieux.
Le coup d'Etat fut approuvé par 101 voix contre zéro et Laparade qui, quelques années auparavant, avait une municipalité montagnarde, accepta fort bien le Consulat et, en 1804, l'Empire.