Chez Alain
Pessan

Origines obscures de Pessan

La vérité est que l'origine de Pessan est très obscure et se perd dans la nuit des temps. Nos anciens connaissaient tous une sorte de quatrain patois, d'origine inconnue que voici :

Pessan siétat aou pé de quaté coumos
Astant ancien que le Siéggé de Roumo
Sé pot canta dens sons petits oustaous
Dabé remplit de bets esprits la bilo d'Aouch.

Bien humble aujourd'hui, le village de Pessan se recommande par son passé, L'antique abbaye de Saint-Michel a son histoire, bien qu'elle n'ait jamais été écrite, et que la plupart des documents qui la concernent soient perdus sans retour.

Pessan fut dans l'origine un fort, bâti sur la rive droite de la rivière de l'Arçon, sur le premier échelon du coteau; bâtiment oblong ayant une tour à chacune de ses extrémités, liées par des murailles très hautes, défendues par des fossés larges et profonds, pleins d'eau du côté du village.
A quelle époque remonte la fondation de ce fort? C'est difficile à déterminer; il parait certain cependant que les Romains l'ont occupé.
Le village semble de date plus récente que le fort.

Donc d'après M. Larroux, Pessan fut primitivement un fort occupé par les Romains. Ce fort a-t-il jamais existé ? Ce n'est pas impossible, mais rien absolument ne le prouve, et on n'en trouvera pas de traces, ni dans l'histoire, ni dans la tradition

Quant à l'antiquité de l'origine de Pessan, elle paraît reposer sur des données qui ne sont pas invraisemblables. Saint Saturnin, en se rendant de Toulouse à Eauze, vint à Auch prêcher l'Evangile et que se trouvant dans cette ville lorsqu'il apprit la mort de Saint Pierre (l'an 69), il lui éleva sur les bords du Gers une église, la première peut être qui ait été bâtie en son honneur. Or Pessan n'est qu'à six kilomètres d'Auch. N'aurait-il pas été fondé par une colonie de ces premiers chrétiens, convertis et baptisés par Saint-Saturnin, obligés peut-être de fuir pour se soustraire à la persécution, ou dans l'espoir de pouvoir mieux pratiquer leur religion, au fond d'une vallée solitaire. Dans ce cas, Pessan aurait en effet la même date que l'Eglise romaine, et justifierait le prétentieux quatrain :

Pessan siétat aou pé de quaté commos
Astant ancien que le Sieggé de Roumo.

L'étymologie de Pessan ne nous fournirait-elle pas un autre argument en faveur de cette opinion ? Pessan, en latin Pessanum est écrit Petianum dans les plus vieilles chartes. Or, un de nos amis a prétendu tirer Petianum de Petrifanum (le temple de Pierre), qui, après plusieurs transformations successives serait devenu Petianum et enfin Pessanum, ce qui confirmerait l'hypothèse qu'il y eut dès le premier siècle de l'Eglise, aussitôt que le christianisme eut été prêché à Auch, des néophytes à Pessan et que la première église qu'ils bâtirent sur les bords de l'Arson, fut dédiée à Saint Pierre. Pour être vrai, nous devons dire que de savants philologues n'admettent pas cette étymologie du nom de Pessan, sans savoir en donner une meilleure. Ce qu'il y a de vrai cependant, c'est que le culte de Saint Pierre est très ancien à Pessan, et que jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, l'un des trois autels de l'abbatiale lui était dédié.

Ce qu'il y a de plus probable relativement à son origine, c'est que Pessan doit sa naissance à son abbaye, et que ses moines furent les premiers habitants de ce lieu. Mais à quelle époque remontait cette abbaye ? D'après Dom Brugelles. Du Temps, la Gallia christiana, on ne connaît ni le fondateur, ni la première fondation de l'abbaye de Pessan. On sait seulement qu'elle existait au commencement du VIIIe siècle, puisqu'elle fut renversée par les Sarrazins en 732. N'aurait-elle pas existé dès le VIe, le Ve. et même le IVe siècle; ce n'est pas invraisemblable. II y eut des monastères bien avant Saint Benoît, qui n'est appelé le patriarche des moines d'Occident que parce qu'il leur donna une règle, adaptée peu à peu par tous les monastères. Marmoutiers, Ligugé, Lérins et bien d'autres existaient dès le IVe siècle. Qui sait si Pessan ne remonte pas à cette époque, et ne pourrait pas ainsi être classée parmi les plus anciennes abbayes des Gaules ?

D'autres documents, venus du Comminges, ont jeté de nos jours une lumière nouvelle sur cette question. Lorsque 1es Sarrazins, sous la conduite d'Abdérame, franchirent les Pyrénées, vers 724, ils brûlèrent les églises et les monastères situés dans la vallée de la Garonne, et notamment une abbaye de Bénédictins, élevée dans un lieu appelé le Mas, sur le tombeau de Saint Gaudens, nom donné à cette ville. Les moines de cette abbaye échappés au massacre s'enfuirent du côté d'Auch et vinrent à Pessan, ou ils fondèrent une abbaye qui se regardait comme fille de Saint Gaudens.

Les moines de Pessan savent par tradition qu'ils ont été fondés par des Religieux venus de Saint-Gaudens, et cette tradition s'est maintenue malgré la disparition des chartes et les diverses destructions et vicissitudes de leur monastère. Cette réponse ne nous a pas convaincu, ne pouvant pas comprendre qu'une telle tradition, qu'on dit venir de Pessan, y fut inconnue jusqu'à ce jour.

Ne peut-on pas supposer avec autant de vraisemblance que si des moines de Saint-Gaudens se réfugièrent à Pessan, ils y ont trouvé un monastère déjà fondé et une communauté de frères qui les y accueillirent avec la charité et le respect dus à des persécutés ? Il n'est pourtant pas invraisemblable que l'abbaye de Pessan ne fut que la continuation de celle de Saint-Gaudens, soit parce que les moines de Saint-Gaudens en auraient été réellement les fondateurs, soit parce que par reconnaissance ils auraient transmis aux moines de Pessan leurs droits et privilèges avec les richesses qu'après l'invasion sarrasine il leur fut possible de recouvrer. L'abbaye de Pessan avait d'immenses possessions en Comminges, dans la Barousse; le prieuré de Saint-Béat et le riche prieuré d'Aulon en dépendaient. L'Abbé de Pessan, jusqu'à la grande Révolution, payait un tribut annuel au Chapitre collégial de Saint-Gaudens, un autre à l'église d'Aurignac.

S'il est vrai que ces derniers vinrent au commencement du VIIIe siècle chercher un refuge à Pessan, des hordes innombrables de barbares envahirent peu à peu tout le Midi de la Gaule, et l'abbaye de Pessan fut ruinée à son tour, en l'an 732. C'était l'année où les Sarrazins furent vaincus par Charles-Martel, dans la célèbre bataille de Poitiers, et refoulés dans la région des Pyrénées.